Tout comme un parfum est une combinaison de différentes essences, Eau Sauvage est une combinaison de différents artistes, de différentes tendances. La fragrance corsée créée par la maison Christian Dior en 1966 a inspiré le nom de cette exposition parce qu'il est connu des deux côtés de la Manche. Mais ses caractéristiques - vigueur et indépendance - telles qu'elles sont décrites par les annonceurs sont des qualificatifs qui sont aussi valables pour les artistes contemporains. Car si ces derniers travaillent avec leur propre vision ou inspiration, ils s'appuient aussi fréquemment sur un ensemble de codes et de définitions en débat dans l'art contemporain. Ainsi, l'artiste habite tantôt des structures déjà existantes, tantôt il s'introduit dans d'autres champs culturels, s'alimentant à de nouvelles sources autant qu'inventant de nouveaux dispositifs.
Eau Sauvage ne veut pas être qu'une exposition destinée à révéler de nouveaux jeunes talents. Elle désire mettre en relation les artistes d'une nouvelle génération qui bien qu'utilisant tous des médiums, des modes visuels et des discours propres, appartiennent tous indifféremment à un même milieu de l'art, régional et international. Loin de l'image de l'artiste reclus dans son atelier, Eau Sauvage rassemble des artistes voyageurs pour qui Londres, Genève ou Lausanne ne sont que des escales sur un vol long courrier. Les artistes sont en transit, d'une ville à une autre, d'un médium à un autre. Ils sont des nomades allant de ville en ville, non plus en fonction d'une mode, mais en fonction d'un besoin. Il n'est plus possible désormais de réfléchir à l'art contemporain en usant de termes touchant au concept de nationalité, de mouvement ou de groupe. La mondialisation économique trouve un écho dans le monde de l'art puisque désormais tous les artistes, ou presque, peuvent travailler et réfléchir avec les mêmes outils. Qu'ils soient de Genève, Lausanne, Londres, New York, Shanghai ou São Paulo, ils créent à partir d'une même culture globale et avec des outils similaires; l'intérêt réside dans cette différentiation des usages.
En définitive, Eau Sauvage ne prétend pas exprimer un propos précis ni livrer un message sur un quelconque courant ou sur
une problématique de l'art contemporain. L'exposition se propose de créer un champ dynamique de forces résultant autant de la rencontre d'artistes que de celle d'oeuvres de nature hétérogènes, donc créatrices de sens, et de regards nouveaux. Eau Sauvage propose un vol aller/retour entre Londres et l'arc lémanique au cours duquel les visiteurs, tels des passagers lâchés dans un duty free, pourront visiter deux lieux d'exposition à la recherche de la fragrance, universelle et utopique de l'art contemporain. Londres, Genève et Lausanne ne sont quant à elles que les villes de départ de ces artistes, leurs origines étant bien plus diverses.
Eau Sauvage fait appel à notre faculté de nous raconter des histoires. Le visiteur est la figure centrale de cet événement. Tout au long de sa visite, il peut élaborer ses propres spéculations sur des liens entre artistes ou oeuvres. Eau Sauvage est une sorte de jeux de rôles, un scénario pour 35 personnages que le visiteur tentera seul de relier ou de séparer. |